Michel Onfray quitte Argentan

JE QUITTE ARGENTAN


 L’intégrale de l’article paru dans le Journal de l’Orne du jeudi 14 novembre 2013

 

J’ai vécu trente-sept années de ma vie à Argentan avec Marie-Claude Ruel, ma compagne. Je suis né dans cette ville. J’ai vécu mon enfance et mon adolescence à Chambois, à quelques kilomètres. De quatorze à dix-sept ans j’ai fait mes études au Lycée Jeanne d’Arc. J’ai fait mes études universitaires de philosophie à Caen pendant huit années. J’ai vécu à Argentan dès l’âge de dix-neuf ans. J’ai enseigné vingt ans au Lycée Sainte-Ursule de Caen où j’ai créé l’Université populaire en 2002. Ma famille est en Normandie depuis dix siècles. Ma vie était contenue depuis toujours dans
ce triangle Argentan / Chambois / Caen.

Marie-Claude est décédée début août d’un long cancer de treize années avec une récidive de sept ans. Argentan m’est devenu impossible à vivre : elle est devenue la ville de l’hôpital, hôpital de jour pour les sept années de chimiothérapie non stop, hôpital des hospitalisations quand ça n’allait pas, la ville des urgences, des cabinets de médecins et de radiologie, la ville du laboratoire d’analyse médicale, des pharmacies, du kiné, puis la ville des pompes funèbres et désormais la ville du cimetière…
Marie-Claude aimait Argentan, mais elle aimait aussi et surtout les argentanais : fille d’un père résistant dans le maquis d’Ecouché, cheminot et syndicaliste au dépôt d’Argentan et d’une mère postière au Central téléphonique, ses parents furent les constructeurs de leur maison solidaire rue Jeanne d’Arc dans le quartier Saint-Michel qu’elle aimait plus que tout. Marie-Claude a fait ses études à Argentan, puis obtenu son doctorat de stylistique à l’Université de Caen. Après plusieurs postes dans le département de l’Orne, elle a accueilli avec bonheur sa nomination au Collège Truffaut, où elle avait été élève. Elle y retrouvait certains de ses enseignants comme collègues. Elle y a été heureuse comme enseignante ; ses élèves l’aimaient. Quelques uns ont récemment posé des petits mots sur sa tombe.
Nous avons habité le Quartier des Fleurs depuis sa création. Nous avons choisi Argentan, non pas Falaise où elle enseignait alors, ni Caen, où j’enseignais, parce que c’était sa ville. C’est devenu la mienne. Après l’obtention de mon doctorat, ma directrice de thèse m’a proposé un poste à l’université de Fribourg, puis d’Ottawa, avant retour à l’université de Caen, nous avons choisi elle et moi de rester sur Argentan pour y mener notre vie.

Quand j’ai publié le premier de la soixantaine de livres que j’ai tous écrits à mon bureau au 31 rue des fleurs, mon éditeur a souhaité que je quitte Argentan pour venir à Paris en me faisant miroiter une « carrière » – je n’ai jamais eu envie de faire carrière, juste le désir de mener une vie que mon père, homme juste et droit, aurait trouvée juste et droite.

Avec ma vie de philosophe, d’écrivain, d’auteur, j’ai côtoyé partout sur la planète nombre de personnes que j’ai sollicitées pour partager ma chance de mener cette vie avec les argentanais qui n’avaient pas celle d’en mener une aussi passionnante. A une époque, Laurent Beauvais, président de la communauté de communes, avait déploré le manque de finances de la CDC, il envisageait alors de faire des économies, notamment en fermant l’espace  de la médiathèque l’été – j’ai proposé qu’à l’inverse on dynamise la ville avec la culture. Faute de retenir les entreprises ou d’en faire venir dans une sous-préfecture qui n’a jamais valorisé aucun de ses atouts, je proposais de faire de la culture un atout pour la ville. J’ai offert mes services gratuitement – on ne m’a jamais facilité la vie.

J’ai proposé une exposition d’été avec des peintres prestigieux  qui sont venus pendant douze années bénévolement à la médiathèque. Vladimir Velikovic, Ernest-Pignon Ernest, Gilles Aillaud, Bettina Rheims, Gérard Fromanger, Willy Ronis, Valerio Adami, Titouan Lamazou, Gérard Garouste, Robert Combas, Ben. Une rétrospective a permis de réunir ces artistes prestigieux dans la médiathèque de la ville. J’écrivais un livre, je tournais un film (avec mon ami Bruno Picot) pour les remercier d’être venus. J’ai rédigé un livre sur les sculptures de Pollès qui, en retour, a prêté des œuvres pour « Jardins dans la Ville ».

Passons sur le fait que, pendant toutes ces années, les discours du maire, très improvisés, constellés d’approximations en tous genres, pas même tempérés par une modestie que sa suffisance empêchait, ont consterné tous les invités, années après années. Passons sur le fait que j’hébergeais les artistes dans notre maison de Chambois et que les frais de réception, de blanchisserie, étaient à notre charge et que nous n’avons jamais demandé quoi que ce soit pour nous. Marie-Claude se faisait d’ailleurs un point d’honneur de payer son repas les soirs de vernissage à « La Renaissance » et elle invitait de sa poche nombre de personnes, pendant que les subventions municipales permettaient de régaler quelques uns et leurs épouses qui n’étaient guère concernés par la culture, y compris ceux qui en avaient la charge… La mairie ni la CDC n’ont jamais offert un bouquet de fleurs à Marie-Claude ces soirs-là…
Valerio Adami a souhaité un jour faire un legs d’un grand nombre de ses toiles à la Ville d’Argentan. Il aimait ce que j’y faisais avec l’Université Populaire du goût . Il avait eu une expérience décevante avec la mafia municipale italienne dans laquelle il avait souhaité faire sa Fondation ; il n’eut pas peur d’avoir à composer avec celle d’Argentan. Avec l’ accord du premier magistrat, nous avons annoncé en public que cette carte se trouvait désormais entre les mains de Pierre Pavis. La presse s’en était fait l’écho. Le maire n’a jamais donné de suite à cette affaire. S’il avait saisi la balle au bond, j’aurais demandé des dépôts d’œuvres à mes autres amis artistes et Argentan pourrait aujourd’hui disposer d’un musée d’art contemporain à moindre coût.

Au lieu de cela, serpent de mer électoraliste, j’apprends que Pierre Pavis agite à nouveau le hochet d’un Musée Fernand Léger quelques mois avant les élections ! Il sait pourtant que cette maison ne peut accueillir le public à cause des norme de sécurité – on doit presque pouvoir entrer en lit médicalisé dans les toilettes d’un musée, elles prendraient tout un étage de cette petite maison…
Monsieur le Maire voudrait y exposer des œuvres offertes par Madame Beauquier, veuve Léger – qui était déjà madame Beauquier quand elle était madame Léger. Les deux compères, après la mort de l’artiste, n’ont pas manqué ici ou là de continuer une oeuvre sans l’artiste dont ils connaissaient la signature… Certes, le cadeau de lithographies virtuellement de Léger constituent une pièce dans une bibliothèque personnelle, mais aucun musée au monde ne se ridiculiserait à exposer les multiples que sont des lithographies, qui plus est d’un Léger putatif. Sauf peut-être celui d’Argentan qui pourrait de ce fait acquérir une célébrité mondiale.

Précisons qu’à une époque, j’ai souhaité sauver cette ruine artistiquement produite par Georges Rousse qui, pour son travail de plasticien, a ravagé l’intérieur de la maison avec la bénédiction du conseil municipal – dont Pierre Pavis faisait alors partie. J’avais en effet proposé d’acheter au prix des domaines cette maison dans laquelle Marie-Claude et moi aurions investi nos économies pour la restaurer, l’habiter dans les limites d’un bail emphytéotique et l’offrir à la municipalité d’Argentan avec son contenu après la mort du plus vivant des deux. La ville aurait ainsi hérité de notre bibliothèque, de manuscrits, d’œuvres d’art, à quoi j’avais envisagé d’adjoindre mes droits d’auteur post-mortem au cas où l’opération aurait abouti…
Fin stratège, Pierre Pavis n’a pas même obtenu de majorité dans sa majorité ! Roger Jouadé, déjà tellement soucieux du bien public et de l’intérêt général, avait mobilisé ses troupes pour empêcher la transaction et interdire sa mise à l’ordre du jour d’un conseil municipal. Deux ou trois artistes de canton avaient dans la foulée initié une pétition pour dénoncer le scandale qu’aurait été ce projet à leurs yeux. Ils avaient avancé le leur : il n’a évidemment jamais débouché sur quoi que ce soit.
La ruine est restée ruine, elle devient désormais le symbole de ce que les édiles ont fait, du moins de ce qu’ils n’ont pas fait, depuis des années.  Car ces élus n’aiment pas Argentan, mais le pouvoir qu’ils ont sur les argentanais. D’où les conflits d’intérêts qui ne peuvent manquer de surgir entre ceux qui aiment Argentan et les argentanais et ceux qui aiment le pouvoir qu’ils ont sur Argentan et le argentanais. Il s’agit de deux mondes : les premiers se faisant systématiquement  détruire par les seconds. Je n’ai pas manqué , des années durant, de proposer des projets pour animer, embellir, choyer cette ville dont les habitants ont la modestie et la discrétion, la pudeur et le courage, qui fait défaut à ceux qui les représentent.

Ainsi : transformer Argentan, comme Cherbourg l’a fait avec la Mer, en Cité du Cheval avec un musée qui aurait pu être construit en pleine ville, entre le palais de Justice et la Poste, là où deux avenues montent et descendent de façon soviétique entre un vaste terre plein de  pelouse bordés de places de parking. Cette construction aurait eu le mérite de créer un centre ville dans une cité qui n’en a pas : la « Place Henri IV », faussement nommé place alors qu’elle est une rue, ne fait pas à elle seule un centre. Il faut pour cela un espace, donc trois points : les deux de cette fausse place et le troisième de ce musée l’aurait dessiné . Cet espace aurait alors contenu alors, outre les commerces,  le Syndicat d’initiative, le Palais de Justice, l’église Saint-Germain, la poste, le Donjon, le monument aux morts, autrement dit, l’essentiel de ce qui fait le cœur de la ville. Le musée aurait pu travailler avec les collections nationales pour disposer de prêts, organiser des expositions ayant pour thématique le cheval. La région Basse-Normandie ne dispose d’aucun lieu digne de ce nom. Le Haras du Pin ayant perdu sa splendeur en même temps que l’Etat français perdait la sienne. Sans suite…

Ainsi : réaliser une coulée verte entre le jardin de la médiathèque et le plan d’eau  moqué par la gauche quand elle était dans l’opposition (Pierre Pavis dirigeait alors cette même opposition) parce que c’était un programme de droite mais réalisé en plus petit par la gauche. Mon ami Paysagiste Alain Richert, professeur à l’Ecole Nationale du Paysage à Versailles et domicilié à Boucé, avait donné son accord pour travailler sur ce projet. Mon autre ami Jean-François Sineux avait proposé d’en dessiner le projet qui aurait été exposé à la médiathèque. On aurait pu faire un magnifique jardin en pleine ville avec des espèces choisies à dessein pour en faire un conservatoire pédagogique. On argua alors que la Quasimodo s’y tenait : pour quelques jours par an, la ville s’interdisait une amélioration  considérable. Aujourd’hui, la Quasimodo n’existe plus… Sans suite…

Ainsi : la création d’un festival de théâtre à Argentan. Avec les honoraires offerts pour l’une de mes conférences par une fondation qui souhaitait aider notre association, j’ai acheté le chapiteau des Tréteaux de France à Marcel Maréchal, figure majeure du théâtre en France. Après avoir divisé son prix par deux pour l’UP, il avait répondu positivement à ma demande d’organiser sur un long week-end des représentations gratuites de son répertoire. Je n’avais pas alors la ligne directe de Pierre Pavis et l’adjoint à la culture Jean-Louis Carpentier, accompagné de Madame Boscher et de la directrice de la culture dont j’ai oublié le nom, m’ont reçu à la Renaissance pour que je leur expose mon projet. La directrice trouvait mal venue la date de fin août que j’avais proposé, elle était en vacances… J’avais précisé que tous les argentanais n’avaient pas la chance d’en prendre et qu’on pouvait justement songer à ceux qui n’avaient pas les moyens de partir… On me fit savoir que ce projet serait défendu auprès du maire, maire qui prétend ne l’avoir jamais reçu… Sans suite, donc.

Sans suite : encore que… Plusieurs années après, j’ai décidé de créer une Université Populaire du Théâtre malgré tout sous le chapiteau. Mon ami Jean-Claude Idée, professeur au Conservatoire national de Bruxelles,  m’a aidé dans cette aventure, ainsi que les amis de la nouvelle équipe de l’UP. Nous avons donné trois jours de spectacle gratuits – on n’y a peu vu d’élus, quelques uns se contenant d’une brève apparition afin de faire une photo vite postée  sur leur blog dévolus à la célébration de leur personne.
Pierre Pavis avait assisté à notre AG et affirmé devant une vingtaine de témoins que nous pourrions lui demander ce que nous souhaiterions le temps venu. Le temps venu, autrement dit le soir même du premier jour, nous avons eu des ennuis techniques avec une console. Je disposais du portable du maire, qui répond ou donne suite une fois sur cinq ou six. Je lui ai demandé s’il pouvait nous prêter une console du Quai des arts. Probablement parce qu’il avait vu mon nom s’afficher sur l’écran de son portable il n’a pas répondu car, dans la foulée, Jean-Louis Mustière , conseiller municipal qui fait partie de notre équipe, a appelé Pierre Pavis qui, pour le coup, a décroché, répondu et refusé que quoi que ce soit sorte du Quai des Arts – « question de principes » a t-il répondu et chacun sait que Pierre Pavis est effectivement un homme à principes. Je lui ai envoyé ce texto : «  Tu es vraiment un type bien toi… ».

Pas de réponse, mais la punition est venue la semaine plus tard : la ville était en train d’acheter ma pièce de théâtre  La sagesse de abeilles pour le Quai des Arts. Les choses étaient assez engagées pour que le directeur de la Comédie de Caen m’ait fait savoir que l’affaire était conclue. Un appel téléphonique a informé Jean-Lambert Wild, directeur de la Comédie de Caen, que l’achat n’aurait pas lieu, mais « que ça n’avait rien à voir avec ce qui s’était passé la semaine précédente »… Finauds en plus ! Le recours aux forêts, ma précédente pièce de théâtre ayant été bradée pour Argentan,  la ville avait alors consenti à l’achat pour éviter le mauvais effet public d’un refus . Les services se sont juste contentés d’oublier l’affichage  dans la ville pour présenter ce spectacle… Par ailleurs,  les informations avaient été retenues à divers niveaux, dont certains qui impliquent une collusion souvent dommageable pour l’intérêt général et le bien public à Argentan, entre un journaliste et une élue…
L’UP du théâtre eut lieu tout de même sous le chapiteau qui fut celui du temps où « Jardins dans la ville » et l’UP du goût fonctionnaient de conserve. J’ai créé l’UP pour venir en aide à un ancien syndicaliste communiste, placé là par piston des anciens de la MIC. Il était devenu petit patron avec les avantages du pouvoir, sans les inconvénients de la responsabilité. Méconnaissant tout de l’art horticole , il ne s’en sortait pas. J’ai donc souhaité faire du lien social avec la culture, notamment par la gastronomie, l’œnologie associés aux produits du jardin. J’ai frée cette UP du goût comme un instrument d’éducation populaire et de partage de la culture. J’ai également œuvré en faveur de gens modestes, des blessés de la vie, en réinsertion dans cette structure – il y étaient,  je l’appris ensuite, des faire-valoirs grugés justifiant le fonctionnement de l’association en club des anciens de la MIC majoritairement bénéficiaires des services de « Jardins dans la ville » pour des raisons souvent éloignées de la réinsertion.
Pendant six années, j’ai fait venir des artistes (Bartabas, Guy Bedos), des écrivains (Franz-Olivier Giesbert, Paul Vacca), des cuisiniers (Pierre Gagnaire, Olivier Roellinger), des producteurs de grands vins (château Palmer, champagne Delamotte), des peintres (Adami, Combas), des musiciens (Laurent Campelonne avec l’orchestre symphonique de Saint-Etienne, des chambristes de la Fondation Singer Polignac), des cinéastes (Elisabeth Kapnist, Solveig Anspag), des universitaires (Jean Salem, Elisabeth Roudinesco), des critiques gastronomiques (Jean-Pierre Coffe, Périco Légasse) , parmi beaucoup d’autres noms…   Tous sont venus bénévolement.

J’ai découvert un jour par hasard que le révolutionnaire en peau de lapin qui avait changé son annonce téléphonique pour dire trois fois qu’il était directeur de trois associations dès l’obtention d’ un diplôme dont le mémoire devait beaucoup au texte d’annonce du site de l’UP du goût , avait amplement profité de la situation de proximité des associations « Jardins dans la ville et « Epicure & Co », l’association de l’UP. Le comptable qui l’était des deux associations le secondait dans ces opérations . Le maire a reçu une lettre de six pages écrite par mes soins notifiant les détails des nombreuses occasions qu’a eu cet ami de Roger Jouadé de manquer  à l’honneur, pour ne pas qualifier ses actes avec des mots qui ressortissent du vocabulaire juridique.

Après la démission de ces aigrefins et de leurs épouses du bureau de l’association « Epicure & C° », la restitution d’un chèque d’une somme que les deux compères avaient illégalement transférées sur le compte de l’association « Jardins dans la Ville » qui pouvait dès lors se targuer d’être en équilibre, les choses auraient pu en rester là. Hélas, mes amis de la nouvelle équipe et moi-même avons dû   faire face à une série des désagréments pendant une année : section de câbles dans le chapiteau qui mettaient en danger la sécurité et la vie des spectateurs, pneu de tractopelle dégonflé, tuyaux de chauffage vandalisés, vol de matériel, accumulations d’ordures sous le chapiteau et refus de les enlever, interdiction d’accéder à l’eau, vol ostensible du papier toilette ( !) le jour des UP par les deux compères, présentation à notre comptable de factures fantaisistes correspondant aux sommes indument prélevées par leurs soins, etc. Averti dans le détail de nombre d’autres problèmes, le maire n’a pas voulu trancher arguant qu’il s’agissait d’un problèmes de personnes. Or ne pas trancher entre un voleur et un volé, c’est couvrir le voleur.  Cette lettre a également été envoyée à Laurent Beauvais, président du Conseil régional et de la communauté de commune, à Frédéric Léveillé, conseiller général, à Roger Jouadé, à Nathalie Goulet, sénateur. Seul Laurent Beauvais m’a répondu, en disant que l’affaire était du ressort de Pierre Pavis. Sans suite…

Devant tant de comportements délictueux restés sans sanction, j’ai décidé d’arrêter l’UP du goût. Ma compagne vivait alors ses derniers mois. Elle m’a demandé de n’en rien faire « pour ne pas punir les argentanais qui ne sont pas responsables » disait-elle. Elle avait raison. Je voulais lui faire ces derniers plaisirs. Il y a eu une dernière année.
Puis Marie-Claude est décédée début août. Pierre Pavis était en vacances mais en contact avec son secrétariat, puisqu’il a appris par lui le décès de ma compagne. C’est par ce même secrétariat qu’il m’a fait présenter ses condoléances… J’ai reçu froidement la personne qui s’acquittait de cette tâche par téléphone. Probablement informé de la réception glaciale de ce message purement formel, j’ai reçu le lendemain … un texto de Pierre Pavis ! Rien d’autre.

J’ai donc quitté Argentan juste après l’enterrement de ma compagne, n’ayant plus aucune raison de vivre dans cet endroit où l’on m’a si peu facilité la vie. Le chapiteau va être démonté. L’UP part pour Chambois, mon village natal, et pour Caen – les deux lieux où je vis désormais. A Argentan, il n’y aura donc pas eu de maison Léger vivante, pas de musée d’art contemporain, pas de coulée verte, pas de cité du cheval, pas de ville construite autour de la gastronomie, de l’œnologie, de la culture. L’UP s’en va, l’UP du théâtre aussi.

Le marxiste de papier qui veut le communisme pour la planète entière, mais n’est pas même capable d’offrir un café à ses amis ou  de payer une addition au « Café de Paris », joint à son complice ancien vendeur de pesticide aujourd’hui retraité reconverti dans le bio, ont fait savoir il y a plus d’un an à la directrice des affaires culturelles de la région que j’avais trahi les idéaux de l’UP ! Ils s’étaient alors proposés de faire « une université populaire sans culture » – c’est bien dans l’esprit ( et les capacités…) de ces deux flèches !

Pour finir et prendre congé vraiment : j’avais construit un projet de restaurant de réinsertion dans « Jardins dans la ville », Robert Combas avait accepté de dessiner le bâtiment, nous avions obtenu une grosse somme pour ce projet auprès d’une fondation . L’argent se trouve sur le compte de « Jardins dans la ville ». Les deux compères crient haut et fort qu’ils réaliseront le projet. Gageons qu’il ouvrira en même temps que le musée Fernand Léger…

© Michel Onfray, novembre 2013

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire